Du Polar et de l'Histoire : le blog de Pierre Mazet

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Le tour des Yoles : quand la Martinique s’enflamme.

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Chaque année, à la fin du mois du juillet, la Martinique s’enflamme ! N’imaginez pas des feux de forêts et des rondes de Canadair, nous sommes en pleine saison des pluies tropicales. Non, c’est un rendez-vous annuel qui passionne les Martiniquais, le tour des Yoles. 

 

Du gommier à la Yole. 

 

Pour les non initiés, la yole est une barque en bois qui servait à la pêche en mer des Caraïbes. Sa création est relativement récente. Au commencement, il y avait les gommiers, une barque solide taillée d'un seul tenant dans l'arbre qui se nommait "gommier". Malheureusement, le gommier disparut progressivement  de la forêt martiniquaise tandis que le nombre de pêcheurs augmentait. Dans les années 40, un charpentier du François réussit à concevoir une embarcation s'inspirant à la fois du gommier et de la yole européenne. Le terme yole vient du norvégien «Jol» qui signifie canot.  En Martinique, la yole ronde devient une embarcation légère, sans quille, sans lest, sans dérive ni gouvernail, à faible tirant d'eau, pouvant naviguer à une ou  deux voiles.

 

De la pêche à la course. 

 

Les marins pêcheurs ne manquaient pas de se mesurer avec leurs embarcations en se rendant sur leurs lieux de pêche. Il n’y avait pas de moteur: un barreur et deux matelots tout au plus. Pas d’enjeu, juste le plaisir de devancer le camarade de travail pour avoir la satisfaction de raconter des prouesses le soir autour du « ti-punch » traditionnel. Les marins pêcheurs s’organisaient entre eux pour disputer des régates. Des manifestations sportives égayaient les fêtes patronales du François, du Robert ou du Vauclin. Devant cette pratique se popularisant de plus en plus, la Société des Yoles et Gommiers de Courses de la Martinique apparue (1964). Son but était de structurer cette activité sportive, en faisant respecter des règles et en rapprochant les participants.

C’est en 1966 que le premier tour des yoles fit son apparition. Constitué de quatre yoles appelées Mouette, Frisson, Étoile et Odyssée, elles devaient faire le tour de l’île en cinq étapes. Remportant un fort succès, les organisateurs le renouvelèrent l’année suivante. Malheureusement, les mauvaises conditions de navigation poussèrent les protagonistes à stopper l’événement. Le tour des yoles s’acheva en 1968. Mais en 1985, grâce à l’obstination d’un homme : Georges Brival, la compétition est relancée. Huit équipages se lancent dans un parcours de 110 miles nautique. Guidés par des capitaines annonçant les instructions en créole, ils ont du 11 au 15 août pour effectuer ce tour rassemblant de plus en plus de monde. L’engouement pour cet événement est surprenant, les spectateurs se réveillent de bonne heure pour ne rien rater ! Certains gravissent les sommets de la ville de Sainte-Anne pour admirer ce festival de couleurs, qui s’élance dès le coup d’envoi à 10h30.

 

Un peu de technique 

 

La Yole Ronde de compétition, évoluant à l'occasion des régates, est créée sans apport de matériaux modernes. D'une longueur de plus de 10 m, la coque, les membrures, les mâts, les «bois dressés», les «va et vient»d'écoute, sont presque tous tirés de la forêt martiniquaise. Le bois le plus utilisé est le poirier local. La vergue sort des champs de bambou du pays. Certains bois proviennent de Guyane Française, comme le teck, ou l'angélique, dont sont faits la quille et le bordé. Les yoles peuvent comporter une ou deux voiles dont les mâts sont placés respectivement à l'avant et au tiers de l'embarcation. Une vergue en bambou est placée au travers des mâts et est destinée à

soutenir la voile, qui peut atteindre 35 ou 40 mètres carrés quand le vent est faible. Avec un vent de 25 noeuds, la surface moyenne des voiles est réduite respectivement de 15 et de 22 mètres carrés. Un équipage comprend 11 hommes en moyenne, prenant part à la course à deux voiles et huit pour la course à une voile ou misaine. L’équipage peut être réduit à 6 hommes en cas de vent faible. A bord de la yole, la polyvalence est de règle. Bien qu'il y ait un homme désigné pour les manoeuvres d'écoute, il arrive que le patron ou son adjoint se charge de cette tâche. Cette opération consiste, par le biais d'un cordage, à orienter la voile, lui donner du mou, ou la tendre au maximum en fonction du vent. Cette manoeuvre est très délicate, quand elle est effectuée au passage d'une «vigie» (bouée ou, drapeau tricolore délimitant le circuit). A ce moment précis, promptitude et force physique sont réclamées. Un bateau peut perdre son avance initiale sur ses concurrents, et peut même se faire dépasser si les manoeuvres d'écoute sont effectuées trop lentement.  Certaines yoles peuvent prendre l'eau à l'occasion de ces manoeuvres. En effet, la yole est une embarcation particulièrement instable. Un membre de l'équipage écope en permanence. 

 

Le tour des Yoles aujourd’hui. 

 

Le tour des Yoles continue d’enflammer la Martinique. Aujourd’hui, elles portent des noms moins exotiques, car le cout de la construction d’une Yole de compétition nécessite l’appui d’un sponsor.  Ainsi en 2018, c’est UFR Chanflor  qui a remporté la compétition (UFR est le nom d’une mutuelle et Chanflor celui d’une eau minérale), devant Brasserie Lorraine, mais tous les Martiniquais savent que c’est le Robert qui a gagné ! 

 

 

 

Cliquez ici pour télécharger l'article. 

 

Le-tour-des-Yoles--.pdf

 



27/08/2018
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