DÉCOUVREZ LES PAGES D'HISTOIRE SUR LA CHAINE DE SABRINA..
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La piste des larmes |
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La bataille de little Big Horn n’est pas fini |
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Wounded knee, la fin des guerres indiennes |
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Thérèse Humbert : l'escroquerie en guise d'ascenseur sociale
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La mort d'Oscar Dufrenne
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Paul Grappe, déserteur travesti
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Jeu, set et meurtre, la triste histoire de Vere Goold
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Aux sources de la destinée manifeste : l’expédition de Lewis et Clark |
Le départ de monsieur de Lapérouse.
Partie 1 : la préparation
En 2018, nous allons célébrer mai 68, commémorer le 11 novembre 1918. Mais, il y a juste 230 ans disparaissait monsieur de Lapérouse. En effet, c’est probablement le 10 mars 1788 que Lapérouse quitta Botany Bay avec l’intention de revenir aux îles Tongas, puis d’aller explorer les îles de Santa Cruz. C’est dans l’une de celles-ci à Vanikoro qu’il trouva la mort avec tout son équipage. Il avait prévu de rentrer à Brest en juillet 1789 ! Au milieu de l’agitation politique, la disparition de monsieur de Lapérouse ne sembla pas émouvoir l’opinion. Louis XVI, pourtant, s’en préoccupa. Quelques minutes avant son exécution, il prononça, paraît-il, ces quelques mots : « A-t-on des nouvelles de monsieur de Lapérouse ? ». Il fallut attendre près de quarante ans et l’expédition de Dumont d’Urville pour savoir enfin ce qu’il était advenu de monsieur de Lapérouse.
Un marin expérimenté.
Le 1er août 1785, toutes voiles dehors, les deux frégates de la marine royale, la Boussole et l’Astrolabe, s'éloignent de la rade de Brest pour un voyage autour du monde. Admirablement préparé, fertile en découvertes, le voyage sera une tragédie maritime en trois actes : noyade collective, massacre criminel et naufrage. A la tête de l'expédition, un marin français parmi les plus illustres, un homme de coeur, un humaniste. Il s'appelle Jean-François de Galaup, comte de Lapérouse. Le choix de cet homme, pour diriger cette aventure, n’est dû ni au hasard, ni à sa naissance. Il n’est pas d’une famille de haute noblesse, pourvue de vastes privilèges. Il fait partie de ces familles de bourgeois albigeois, qui se sont enrichies grâce au commerce, puis ont acquis des titres de noblesse. Le hasard n’est aussi pour rien dans sa désignation, c’est un marin expérimenté. Dès l’âge de 15 ans, il a commencé à fouler le pont des navires. En vingt cinq ans, il gravit tous les échelons de la marine royale et, en 1780, il est promu capitaine de vaisseau et reçoit le commandement de la frégate Astrée. Entre temps, il a passé presque toute sa vie sur l’eau. Il a participé à la guerre de sept ans (1756-1763), à bord de cinq navires différents. En 1759, il est blessé à bord du Formidable, et fait prisonnier par une escadre anglaise. Dès sa libération, il part pour l’Amérique à bord du Robuste, jusqu’au traité de paix de 1763. Le Bulletin de la Société de géographie[1] donne une version savoureuse des aspirations héroïques de monsieur de Lapérouse : « Il soupire après de nouveaux combats ; mais la guerre cesse ; alors, au lieu de passer dans le repos le temps de paix que donna à la France le traité de 1863, il s’embarqua, et pendant quatorze années, parcourant plusieurs fois le monde, il se prépare à devenir digne de la noble mission qui doit, un jour, lui être confiée ». Les hostilités contre l’Angleterre reprennent avec la guerre d’indépendance américaine. Il est de toutes batailles navales contre la marine anglaise. Sa carrière militaire s’achève en 1783. Il aurait pu vivre tranquillement de la pension versée par l’ordre de Saint-Louis, cependant en 1785, la passion de la mer refait surface. Mais, Lapérouse n’est pas seulement un marin expérimenté. Fondamentalement c’est un homme des Lumières qui croit à la science et au progrès. Franc maçon (il avait été initié en 1774), il fera preuve au cours de son périple d’une curiosité insatiable.
Un contexte favorable.
La paix maritime revenue en 1783 permet d’envisager des voyages d’exploration que Cook avait fait en pleine guerre. L’océan Pacifique Est est connu des européens depuis environ 1520, grâce à Magellan, qui effectue la première traversée transpacifique, et prend la mesure de cet océan couvrant presque la moitié du globe. Les Portugais dans leur avancée vers Macao dressent les premières cartes notamment d’Australie Orientale. On connaissait depuis longtemps l’existence des pays de l’autre rive du Pacifique, en particulier la Chine mystérieuse, et supposée riche, mais plutôt par la voie terrestre en Asie. Dés 1543 les Philippines sont rattachées au Mexique espagnol, mais le corsaire anglais Francis Drake conteste le monopole espagnol dans le Pacifique nord dés 1680. Après 1700, d’assez nombreux navigateurs avec des buts divers parcourent le Pacifique, hollandais, français, anglais, espagnols et russes. Puis des explorateurs plus officiels, dont Bougainville, concentrent leurs trajets après la Terre de Feu sur la route approximative Ile Juan Fernandez/ Tahiti/ Nelle. Guinée. Mais, c’est Cook qui de 1769 à 1788 inaugure une navigation scientifique avec des cartes précises et lève presque toutes les grandes énigmes au cours de trois voyages de 1769 à 1778 (Australie de l’Est et Nouvelle Zélande, « continent austral » et passage par le détroit de Behring). L’air du temps et la paix, pour un temps retrouvée permettent donc à la monarchie française d’envisager une grande expédition qui allie exploration, esquisse de colonisation et recherche scientifique.
Une préparation minutieuse.
Le choix des hommes et du matériel revêt une importance capitale. Les navires sont deux grosses gabares récentes (mais dont on a déjà l’expérience du comportement à la mer) appelées flûtes, de 460 tonneaux (800 m3), du genre utilisé par Cook, faiblement armées. Elles sont remises en parfait état à Rochefort puis à Brest. Ensuite chacune d’elles est adaptée pour pouvoir loger quinze à vingt officiers ou savants/techniciens dans une intimité et un confort tout relatifs et fournir des locaux aérés et propres à un équipage relativement peu nombreux de 110 hommes par bateau alors qu’une frégate en embarque 350. Du point de vue des aménagements on construit une demi dunette pour Lapérouse et des cabines légères pour les savants. Elles reçoivent pour nom l’Astrolabe (commandée par Lapérouse) et la Boussole (commandée par son ami Fleuriot de Langle). Les équipages sont choisis de la meilleure qualité tant pour leur compétence que pour leur résistance à une très longue navigation. La composition de l’équipage de chacun des bateaux est sensiblement la suivante : 6 officiers et 4 gardes de la Marine ou assimilés, une dizaine de savants ou techniciens, 6 maîtres et une dizaine de « surnuméraires » qui sont en général des maîtres spécialisés avec en particulier le second chirurgien. On compte également une dizaine de techniciens : charpentiers, calfats et voiliers ; 40 matelots : gabiers, timoniers ou simples matelots et 6 domestiques. Sur le plan militaire on dénombre une vingtaine de canonniers et fusiliers de différents niveaux. Au-delà des marins, les buts scientifiques de l’expédition imposent d’embarquer scientifique et savants. Une douzaine de savants et d’ingénieurs, choisis parmi les meilleurs de leur temps et accompagnés de trois dessinateurs, emportent à bord une bibliothèque impressionnante et les instruments les plus sophistiqués (chronomètres, observatoire portatif) afin d’accomplir leurs missions dans tous les domaines (cartographie, astronomie, géographie, histoire naturelle, physique). Parmi lesquels on peut citer :
- Joseph Lepaute Dagelet (1751-1788), astronome ;
- Jean Honoré Robert Paul de Lamanon (1752-1787), physicien, minéralogiste, météorologiste ;
- Louis Monge (1748-1827), astronome (frère de Gaspard Monge) ;
- Barthélémy de Lesseps (1766-1834), diplomate, débarqué à Petropavlovsk, oncle de Ferdinand de Lesseps.
À Londres, l’ingénieur Monneron se renseigne au sujet de la prévention du scorbut et des marchandises d’échanges à embarquer, et acquiert des instruments de précision.
La cohabitation des marins et des savants n’ira pas sans heurt.
Des instructions précises.
Les Instructions sont définies par trois personnalités, le roi Louis XVI dont on sait l’intérêt pour la marine et la géographie, le ministre de la Marine de Castries et le directeur des ports et arsenaux Claret de Fleurieu qui en est le rédacteur. Les objectifs du voyage qui doit durer trois ans, sont variés :
– compléter la cartographie du Pacifique, notamment en ce qui concerne la côte nord-ouest de l’Amérique et la côte asiatique ;
– créer des comptoirs pour le commerce des peaux entre la côte ouest de l’Amérique et la Chine ;
– mener un programme ambitieux d’observations scientifiques ;
– espionner les implantations des autres puissances européennes ;
Des instructions très détaillées lui furent remises le 26 juin 1785 (voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Voyage_de_La_Pérouse_autour_du_monde/Tome_1/Mémoire_du_Roi )
Concernant la cartographie, elles fixaient un tracé très précis de l’itinéraire à suivre selon un calendrier trop rigide pour être réaliste. Une fois doublé le cap Horn, les deux vaisseaux devaient rechercher l’île de Pâques, explorer l’Océanie, remonter ensuite vers les iles Marquises, d’où ils devraient se diriger vers l’Alaska puis le Kamtchatka. L’expédition était censée se continuer vers la mer du Japon, la Corée puis redescendre vers les Philippines avant de rentrer à Brest par le Cap de Bon espérance. Programme démesuré pour les moyens de l’époque. Même le travail des scientifiques est codifié par l’Académie des sciences. Nouvelle originalité de ce voyage, les instructions contiennent un abondant chapitre sur « la conduite à tenir avec les naturels des pays où les deux frégates de Sa Majesté pourront aborder ». Les principes de « douceur et l’humanité » doivent être la règle. L’emploi de la force doit être l’exception. Enfin, la dernière partie traitait « des précautions à prendre pour conserver la santé des équipages ». Tout y passe, de la propreté des équipages à la bonne conservation des vivres. Les expériences précédentes ont montré les ravages du scorbut. Le chargement comprend de la nourriture pour plusieurs années, de la boisson et du bois de chauffage pour plusieurs mois, des rechanges de gréement, d’apparaux et d’embarcations pour la durée de la campagne, de la documentation et du matériel scientifique fragile et encombrant et enfin de la pacotille pour les échanges. Fin juillet 1785, tout est paré. Monsieur de la Pérouse pense sans doute accomplir la mission de sa vie et Louis XVI donner le départ de l’expédition qui marquera son règne.
Rendez-vous bientôt pour le récit de l’expédition et la bibliographie !
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les anars ont leur Dreyfus : Jean-Jacques Liabeuf
Un anar ! Un pur, disait ses compagnons. Jean-Jacques Liabeuf est mort en 1910, parce qu’il n’avait pas supporté d’être traité de maquereau par le police des mœurs. Son exécution dans la nuit du 30 juin au 1er juillet se déroule dans un climat d'insurrection. Un agent est blessé, tout comme des centaines de manifestants, dans les affrontements entre la police et les défenseurs de Liabeuf. Jusque sous le couperet de la guillotine, le condamné ne cessera de clamer qu'il n'a jamais été un souteneur. Mais alors qui était Jean-Jacques Liabeuf ?
La jeunesse chahutée de Jean-Jacques Liabeuf.
Jean-Jacques Liabeuf est né à Saint-Étienne le 11 janvier 1886. Son père meurt alors qu'il n'a que 4 ans, sa mère est donc obligée de l'élever seule, avec son frère. Il est placé comme apprenti chez un armurier dès sa quatorzième année, il n'y reste que six mois, puis entame une formation de cordonnier. Avant l’âge de dix-neuf ans, il subit deux condamnations de trois et quatre mois pour vagabondage et vol en bandes organisées. Une dernière peine l'envoie encore derrière les barreaux tout en lui interdisant le séjour à Saint-Étienne pendant cinq ans. A Saint-Etienne, nulle trace de ses penchants anarchistes. Pourtant la ville ne manque pas de tentations. Car, c’est ici qu’est né Sébastien Faure, l’anarchisme y est puissant et la surveillance policière ne désarme pas. Après la prison, il goûte au bataillon d’Afrique. Interdit de séjour à Saint-Etienne, il quitte alors définitivement sa région natale pour s’installer à Paris où il travaille régulièrement comme cordonnier. Les trois patrons qui l’ont employé viendront d’ailleurs témoigner en sa faveur lors de son dernier procès, le décrivant comme un travailleur honnête et compétent.
La rencontre fatale.
A cette époque, il demeure au 132 rue Saint-Martin, dans un de ces hôtels borgnes où on se loge la nuit pour huit sous. Ouvrier, à quelques minutes de là, Jean-Jacques a une vie parfaitement réglée. Il ressemelait tout aussi bien les souliers des journaliers que les bottines des arpenteuses de trottoir. Il excellait dans le « remontage » des savates. Autrement dit, il fabriquait de nouveaux modèles avec des « tiges » prises sur d’anciennes chaussures. Chaque samedi, au lendemain de sa paye hebdomadaire de 52 francs, il dépensait, sans compter dans les bistrots du Sébasto. Il était généreux avec ses compagnons de virées tardives. Compagnonnage hétéroclite fait de vagabonds sans le sou, de travailleurs en mal d’embauche, mais aussi de quelques individus habiles au poignard. Il lui arrivait de boire une liqueur avec la Grande Marcelle, une demoiselle de petite vertu qui, à vingt trois ans, passait pour la doyenne des tapineuses du coin. Un soir, elle lui présente une petite brunette aux yeux noirs dénommée Alexandrine dite Didine. Jean-Jacques ne tarde pas à tomber amoureux de la petite Didine. Tout irait bien, si Didine Pigeon n’oeuvrait pas sous la coupe d’un souteneur, un gars solide, nommé Gaston. L’affaire ressemble étrangement à celle qui alimenta le Paris « Apache » au début du siècle : celle de « Casque d’Or » voir ( casque d'or) . Comme dans le film de Jacques Becker, les deux hommes s’affrontent en duel derrière l’église Saint-Merri. Au moment où ils sortent leurs armes, une nuée d’agents débarque et empêche le combat singulier d’arriver à son terme. Cependant, le protecteur attitré n’a pas dit son dernier mot. Car, il est de plus indicateur de police. Jean-Jacques est mis sous la surveillance de deux agents. Le 3O juillet, ils prétendent avoir arrêté Jean-Jacques, alors qu’il recevait de l’argent de sa maitresse. Malgré les dénégations des deux amants, Jean-Jacques écope de trois mois de prison et cinq ans d’interdiction de séjour. Libéré après sa peine, il doit d’ailleurs retourner en prison pour un mois, le 14 novembre de la même année pour ne pas avoir respecté cette interdiction. Or, s’il a pratiqué le vol, Liabeuf hait le proxénétisme et il juge infamante la condamnation dont il a fait l’objet. En prison, la haine le dévore et il ne pense qu’à sa vengeance. C’est là qu’il élabore son plan : "Mon cerveau, dira-t-il lors de son ultime procès, n’arrêtait pas de tourner."
Laver son honneur.
Le 27 janvier 1910, Liabeuf qui a repris sa profession de cordonnier, revêt une étrange armure confectionnée à l’atelier en l’absence de son patron. Ses bras et ses avant-bras sont garnis de brassards de cuir, hérissés d’une multitude de clous de dix millimètres ; ces brassards sont aujourd’hui exposés dans le musée de la police, 1 bis, rue des Carmes, dans le 5e arrondissement. Armé d’un revolver Hammerless et d’un tranchet de cordonnier bien aiguisé, il s’enveloppe d’une cape et part à la recherche des brigadiers Vors et Maugras, responsables de sa condamnation pour proxénétisme. Mais rue Audry-le-Boucher, il se retrouve face à une patrouille de police, prévenue par un patron de café du quartier devant lequel Liabeuf avait exhibé ses brassards en lui confiant ses intentions. Il fait alors feu sur le gardien Deray qu’il blesse mortellement. Lui-même est blessé d’un coup de sabre. Son arrestation est rendue difficile par le port de ses brassards et plus d’un gardien aura les mains en sang. Accusé d’homicide avec préméditation, de violence et voies de fait sur agents de la fonction publique, il ne nie pas les faits. La cour d’assises de la Seine le condamne à mort le 4 mai 1910, et il quitte la salle en proclamant : "je ne suis pas un souteneur et ce n’est pas la peine de mort qui m’empêchera de protester jusqu’à la dernière goutte de sang." Nombreux étaient les témoins qui étaient venus appuyer ses dires et affirmer que, s’il fréquentait les apaches, Liabeuf n’en était pas moins un ouvrier vivant des fruits de son travail, et en aucun cas un souteneur. L’idée de sa vengeance le tourmentait jour et nuit depuis la condamnation infamante dont il avait été victime. Même s’il aurait préféré s’attaquer aux responsables directs de son arrestation, sa haine s’étendait à tous les représentants des forces de l’ordre. "J’aurais voulu les tuer tous et je regrette de n’avoir pas fait plus d’orphelins", aurait-il dit plus tard à Fresne à des codétenus.
La fièvre monte.
Son avocat, Lucien Leduc le persuade d’accepter l’idée d’un recours en grâce. « Je veux bien faire appel à sa justice, mais je ne veux pas de sa pitié », lui déclare-t-il en signant les formulaires. L’avocat est persuadé que la demande aboutira. Des pétitions en sa faveur circulent dans la France entière. Dès la condamnation connue, des affiches, des articles, des réunions furent organisés. Les opinions étaient tranchées, Jaurès s'en mêla, Gaston Couté lui consacra une chanson dans le journal de Gustave Hervé qui fit campagne dans le journal anarchiste : "La Guerre sociale" et publia une édition spéciale portant en titre, en caractères d'affiche :
"On va tuer Liabeuf ! Demain, tous à la guillotine"
On s'arracha les numéros et bientôt dans tout Paris se tiennent, des réunions, des conciliabules. Des comploteurs envisagent même d' « enlever » la guillotine. Mais c’est surtout dans les colonnes de La Guerre sociale que s’expriment les défenseurs de Liabeuf : « Je trouve que dans notre siècle d’aveulis et d’avachis, il a donné une belle leçon d’énergie, de persévérance et de courage, à la foule des honnêtes gens ; à nous-mêmes révolutionnaires, il a donné un bel exemple. [ … ] Tous les jours, les magistrats, avec une légèreté, une inconscience ou une férocité sans nom, dans des jugements rendus le cœur léger et par-dessous la jambe, promènent la ruine, la douleur, le déshonneur dans les familles ; avez-vous jamais ouï qu’une seule de leurs victimes se soit vengée ? »Pour cet article publié le 12 janvier 1910 dans La Guerre sociale, Gustave Hervé fut condamné à quatre ans de prison pour apologie. Même s’il est opposé à la peine de mort, Armand Fallières refuse de commuer la peine. L’exécution est fixée au 1erjuillet à l’aube. Elle doit avoir lieu à la prison de la santé, la guillotine est remisée à celle de la Roquette. Il faut un escadron pour la protéger tant on craint des manoeuvres désespérées. Dans la cour de la prison, on installe un escalier au pied de l'échafaud. Liabeuf arrive, encadré par un aumônier qui l'accompagne malgré le refus du condamné. Sa chemise est largement échancrée, deux hommes en noir l'encadrent. Il est entravé comme une bête à l'abattoir, ce qui rend sa marche vacillante, les mains liées dans le dos, ce qui l'oblige à porter sa tête en avant. Les aides l'entrainent pour d'une poussée, le faire basculer sur la planche. Alors pendant l'ultime seconde qui précède la chute de la lourde lame on entend d'une voix rauque : " Vive l'anarchie ! Mort aux va....!"le cri fut interrompu par la lame d'acier du couperet de la Veuve.
Suite et fin.
L’exécution de Liabeuf n’eut pas de conséquence aussi extrême que l’affaire Dreyfus. Néanmoins, un groupe, intitulé Les vengeurs de Liabeuf, se manifesta en blessant à deux reprises le policier responsable de l’arrestation de celui qu’ils s’étaient donné pour mission de venger. L’année suivante, c’est la bande à Bonnot qui défrayait la chronique et c’était au tour d’autres jeunes têtes d’être fauchées par la machine à Deibler et de rouler dans le panier
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Pour en savoir plus :
Yves Pagès, L'Homme hérissé. Liabeuf, tueur de flics, L'Insomniaque, 2002.
Dumont d’Urville : éternel navigateur
Quand on prononce le nom de Dumont d’Urville, on pense immédiatement à la Terre Adélie, cette portion de l’Antarctique qu’il avait découvert en janvier 1840. Ironie du destin, cet homme, qui avait probablement passé plus de la moitié de sa vie en mer, trouva la mort dans un accident de chemin de fer, lors de l’inauguration de la ligne Invalides- Versailles. Il appartient à la lignée des voyageurs, qui de Bougainville à Cook en passant par Lapérouse, n’ont eu de cesse d’explorer le Pacifique.
Une enfance terrienne.
Dumont d’Urville voit le jour à Condé-sur-Noireau à une centaine de kilomètres de Grandville, c’est-à-dire du bord de mer. Il nait le 23 mai 1790 de l'union de Jeanne de Croisille et de Gabriel Dumont, seigneur d'Urville. Jules Sébastien est élevé́ par sa mère et instruit par son oncle, l'abbé de Croisille, peu après le décès de son père alors qu'il n'a que quatre ans. Le destinant aux ordres religieux, sa mère lui donne une éducation quelque peu spartiate, ce qui fit que son caractère fut toujours strict tant avec lui-même qu'avec les autres. Sous la direction de l’oncle Chanoine, il acquiert les humanités et lit, dans le texte, les poètes grecs et latins. A vingt ans, trop jeune pour être reçu à l’école polytechnique, il est admis à l’école de marine en qualité d’aspirant. Polyglotte, il est curieux de tout et étudie l'Astronomie, la Géologie, l'Entomologie et la Botanique.
La Vénus de Milo.
En 1811, il peut enfin commencer sa carrière de marin sur le vaisseau l’Aquilon, puis il passe successivement sur l’Amazone, le Suffren, le Borée et la Ville de Marseille. Il gravit les échelons de la hiérarchie pour devenir, en 1812, enseigne de vaisseau. Trois ans plus tard, il épouse Adèle Pépin, la fille d'un horloger provençal installé à Toulon. En août 1816, Dumont d'Urville apprend le projet de circumnavigation de Louis de Freycinet. Il quitte Toulon pour Paris afin de convaincre Freycinet de le prendre à bord de l'Uranie mais l'état-major est déjà complet. Ensuite, il retourne à Toulon où il reprend ses études : physique, astronomie, sciences naturelles et langues étrangères. En 1819, il s’embarque sur leChevrette, pour une expédition scientifique en Méditerranée. Il est chargé lors de cette expédition des observations d'histoire naturelle et de l'archéologie. Le 8 mai 1820, le navire aborde la petite ile de Milo. Le hasard veut, que quelques jours avant, un paysan, nommé Yorgos Kentrotas, à la recherche de pierres pour bâtir un mur autour de son champ, ait mis à jour le buste d’une statue antique. Les circonstances dans lesquelles, le marquis de Rivière, ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte, est informé de la découverte restent mystérieuses. Dans diverses notices parues à l’époque, Dumont d’Urville affirme qu’il a été le premier à alerter l’ambassadeur. Cette affirmation a été depuis largement controversée. Mais qu’importe ! Après de sombres tractations, la statue rejoint le Louvre en 1821. Elle est considérée à partir de là, comme l’une des plus belles œuvres de la sculpture antique alliant héritage classique et modernité. Dumont d’Urville a désormais d’autres horizons, ce sont les expéditions océaniques qui sont au cœur de ses ambitions.
Les expéditions océaniques.
La Coquille
À son retour en France, Dumont d'Urville est chargé au sein du dépôt des cartes de la Marine de mettre au clair les observations de la campagne. Parallèlement, il conçoit un projet de tour du monde avec le capitaine Duperrey, marin expérimenté. Le projet est accepté par le ministère de la Marine mais avec un seul navire : La Coquille,une gabarre de 380 tonneaux qui fut remise en état et pour la circonstance rebaptisée corvette. Le 11 août 1822, la Coquille quitte le port de Toulon, traverse l’océan Atlantique jusqu’au Brésil. Elle remonte ensuite vers le nord en longeant les côtes du Chili, puis traverse l’océan Pacifique en suivant une route très voisine de celle de Bougainville. Le voyage les conduit aux îles Tuamotu, Tahiti et Tonga. L'escale à Tahiti est une déception car des missionnaires anglais installés sur l'île ont évangélisé les habitants qui désormais sont vêtus, vont à l'église et à l'école. L'état-major de la Coquille procède à de nombreux relevés astronomiques et magnétiques, continue sa collection d'animaux, de plantes et de roche. Finalement, après de longues pérégrinations dans le Pacifique, La Coquillearrive à Marseille le 24 avril 1825. Les résultats de l’exploration sont impressionnants. La démarche adoptée est typique du siècle des Lumières : embrasser toutes les sciences (ethnologie, zoologie, botanique, géographie, hydrographie, astronomie, météorologie).
L’Astrolabe.
Dans ses mémoires, Dumont d’Urville n’épargne pas Duperrey qu’il considère comme un piètre capitaine. Il aspire désormais à des voyages dans lesquels il serait le seul maitre à bord. Son vœu est exaucé. Nommé capitaine de frégate, il se prépare à sa deuxième expédition dans le Pacifique. Le comte Chabrol de Crousol, ministre de la Marine confie à Dumont d’Urville une nouvelle exploration de la mer du Sud. Il reçoit en 1826 le commandement des deux corvettes : la Coquille, renommée L'Astrolabe, et la Zélé. Il a pour mission d’explorer l’Océanie et l'expédition est envoyée dans l’océan Pacifique pour arpenter les côtes de la Nouvelle-Guinée, la Nouvelle-Zélande et d’autres îles. La seconde mission de l'expédition est de retrouver le lieu du naufrage de La Pérouse.
Le 22 avril 1826, Jules Dumont d’Urville appareille de Toulon comme commandant de l'Astrolabe. Au total, 80 personnes embarquent pour l'expédition. Le capitaine Peter Dillon est le premier à avoir recueilli des objets provenant des épaves de La Pérouse à Tikopia en 1826 puis à Vanikoro sur les lieux du naufrage. Il identifie ces objets comme les restes de l'expédition de La Pérouse mais il refuse de communiquer les coordonnées précises des épaves. Dumont d'Urville aborde à Hobart le 19 décembre 1827 et apprend la découverte de Dillon. Il séjourne à Vanikoro du 21 février au 17 mars et il fait élever un monument à la gloire de La Pérouse. Grâce aux divers témoignages recueillis et à ses observations, D'Urville reconstitue le déroulement du drame. L'Astrolabe est de retour à Marseille le 25 mars 1829. Le bilan est lourd : 12 morts, 14 malades débarqués dans un port, 3 déserteurs. L'expédition de 35 mois a procuré à la géographie et à la navigation la reconnaissance positive de plus de 4 000 lieues de côtes les moins connues du globe sur la Nouvelle-Irlande, la Nouvelle-Bretagne et la Nouvelle-Guinée ; elle a assuré la position de près de 200 îles ou îlots, dont une soixantaine n’avaient encore figuré sur aucune carte. Dumont d'Urville a cartographié les îles Loyauté, effectué un relevé des côtes de la Nouvelle-Zélande. Il a entrepris une exploration des îles Tonga et des Moluques. Ses rapports ont permis la classification des îles en Mélanésie, Polynésie et Micronésie.
En 1830, il accomplit un voyage nettement moins exotique. Il est chargé du commandement du vaisseau Great-Britain qui transporte Charles X. Pendant plusieurs années, la monarchie de Juillet laisse Dumont d’Urville dans un repos qui semble une disgrâce. En 1836, Il obtient enfin d’exécuter un nouveau voyage depuis longtemps projeté.
L’expédition en Antarctique.
Dumont d'Urville soumet à la Marine un projet pour un autre voyage d'exploration dans les îles du Pacifique, cette fois en passant par le détroit de Magellan. Le gouvernement français souhaitait accroître la présence française dans les mers du sud. Dumont d’Urville ne demandait qu'un navire, le gouvernement lui en donna deux: l'Astrolabe, et la Zélée. Il se vit confier comme mission de passer par le détroit de Magellan, vers les îles Pitcairn, les Fidjis et les Salomons. De là, il devait croiser le long de la côte nord de Nouvelle Guinée, ensuite en Australie Occidentale, Tasmanie et Nouvelle Zélande. Mais, avant tout il devait se rendre aux Shetlands du Sud et ensuite aller aussi loin au Sud que les glaces le permettraient ! La lourde dépense n’est pas au goût de tout le monde. Dans Le Constitutionneldu 16 juillet 1837, le député François Arago lance une lourde charge contre Dumont d’Urville. Il lui reproche d’abord son peu de rigueur scientifique lors d’expéditions précédentes : « Plus j’avançais dans mon examen, et puis il me semblait que le commandant de l’Astrolabe avait voyagé pendant trois ans, les yeux et les oreilles bouchés ».Puis il prédit l’échec de la mission : « Je maintiendrai que la campagne de ces deux navires est mal conçue, qu’elle ne produira que d’insignifiants résultats ». Malgré ces vents contraires, l’Astrolabe et la Zélée entament leur long périple. Après une escale à Rio de Janeiro mi-novembre, puis un arrêt en Patagonie en décembre, Dumont d’Urville met le cap vers l’Antarctique. La beauté des paysages glacés est piégeuse. Alors que Dumont d’Urville cherche à pousser toujours plus au sud, il se retrouve bloqué par la banquise début février 1838. Après plusieurs jours d’angoisse, les équipages profitent d’un vent favorable pour s’extraire du piège. A coup de pioche, les marins se frayent un passage vers la liberté. « Après neuf heures de labeur et de fatigue (…) les deux corvettes flottaient enfin sur une mer liquide ». L’expédition remonte ensuite le long des côtes d’Amérique du Sud pour faire escale, en avril, dans la baie de Concepcion (Chili). Cette pause dans un voyage démarré depuis huit mois est la bienvenue, car le scorbut n’épargne pas les matelots. « Malgré les fatigues, les dangers et le terrible fléau qui accompagnèrent ma première tentative, j’ai pris sur moi d’en hasarder une seconde» relate Dumont d’Urville. Son audace paie : le 19 janvier, l’Antarctique est enfin en vue : « Je fus convaincu que la terre était sous mes yeux, et il ne s’agissait plus que de nous en rapprocher suffisamment ».La mission est accomplie. Après trois ans d’aventures, l’expédition arrive à Toulon en novembre 1840. De cette épopée subsistent aujourd’hui quelques souvenirs. Ainsi, la Terre-Adélie n’a pas changé de nom. Elle accueille même une base scientifique nommée… « Dumont d’Urville ».Quant à l’Astrolabe,c’est un brise-glace, en service jusqu’en 2017 dans l’Antarctique, qui a hérité de son fameux nom.
Une fin tragique.
En 1842, il eut une fin tragique, non pas en mer, mais dans le voyage inaugural de la première ligne de Chemin de Fer Paris-Invalides à Versailles-Rive Gauche. Suite à des fêtes dans le parc de Versailles, les trains avaient été renforcés et deux locomotives remorquaient celui transportant Dumont d'Urville. La première locomotive était plus légère et moins puissante que la seconde, et il est probable qu'au franchissement d'un croisement des voies, la seconde locomotive ait poussé la première en dehors des rails. Ce déraillement provoqua l'incendie des wagons dont les occupants périrent
Pour en savoir plus :
Yves Jacob Dumont d'Urville : le dernier grand marin de découvertes, Grenoble : Glénat,
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Jamestone : grandeur et décadence
La ville disparue de Pocahontas
En 1698, la capitale de la Virginie fut transférée de Jamestown à Williamsburg. Lorsque ce transfert intervient Jamestown a perdu l’essentielle de sa splendeur. La révolte de Nathaniel Bacon en 1676, lui a porté un coup fatal. Jamestown a vécu un siècle et pourtant, elle est un concentré de l’histoire américaine, réelle ou fantasmée. Elle est le lieu où s’installa la première colonie anglaise permanente et celui de l’apprentissage de la démocratie. Elle fut aussi celui qui accueillit les premiers esclaves noirs en 1619. Enfin, c’est ici également, qu’en 1614, Pocahontas, princesse indienne, épousa John Rolfe, un homme d'affaires londonien, créant ainsi le mythe du métissage « en douceur » repris plus tard par les studios Disney et bien d’autres studios de cinéma.
Les débuts difficiles de la colonie.
En décembre 1606, trois navires, le Susan Constant, le Godspeed et le Discovery quittent Londres pour l’Amérique dans l’indifférence générale. L’expédition est financée par la Compagnie de Virginie. L’aventure commerciale s’inscrit dans un projet colonial. Il s’agit pour l’Angleterre d’imposer sa présence en Amérique et de rattraper son retard face aux Espagnols et aux Français, après l’échec de la colonisation de la baie de Chesapeake en 1584. Conformément aux termes de la charte de la Compagnie, les 104 membres de l’expédition se dirigent vers les terres « actuellement non en possession de princes et de peuples chrétiens » situées entre les 34e et 41e degrés de latitude nord, c’est-à-dire entre les actuels Cape Fear (Caroline du Nord) et New York. Le 26 avril 1607, ils atteignent les eaux de la baie de Chesapeake et fondent un établissement sur une île baignée par la rivière James. Il le baptise Jamestown en l’honneur du roi. Ce n’est cependant qu’un village qui vit sous la menace permanente des Indiens Powhatan. Le site était trop pauvre et isolé pour pratiquer l'agriculture. En plus de l'environnement marécageux, les colons sont arrivés trop tard durant l'année pour planter et obtenir des récoltes. L'endroit stratégique offrait toutefois une bonne visibilité ainsi qu’une profondeur d'eau nécessaire pour que les bateaux puissent se rapprocher suffisamment de la terre. Le 26 mai de la même année, les Amérindiens du coin, les Paspegh, attaquèrent les colons, tuèrent une personne et en blessèrent onze autres. Le site paraissait très sympathique sous les couleurs du printemps de la Virginie mais les premières déconvenues survinrent avec l'été, ses chaleurs écrasantes et ses nuages d'insectes surgis des marécages environnants. Les colons n’étaient pas préparés à affronter les privations, le manque de tout et la rudesse de leur nouvel environnement. Une bonne partie de la centaine des colons fondateurs de cette colonie était composée d'hommes bien placés dans la société, des gentilshommes qui n’étaient pas habitués au travail manuel et qui répugnèrent à défricher et à labourer la terre de leurs mains. Pour ne pas mourir de faim, les Indiens conciliants et pacifiques au départ, les Powhatans, leur apportèrent de la nourriture et leur montrèrent comment s’occuper des récoltes. Cependant, des disputes éclatèrent et la colonie tomba dans le chaos. Le capitaine John Smith (1580-1631), nommé par la compagnie Virginia, prit le contrôle de la situation. Il était l'un des seuls hommes blancs de Jamestown à pouvoir négocier pacifiquement avec les Indiens pour obtenir de la nourriture et des fournitures. Il a toujours pensé que l'établissement de relations diplomatiques pacifiques avec les Amérindiens locaux était la seule façon pour son peuple de survivre aux durs hivers. Il a finalement rencontré Powhatan, le chef de la Confédération qui est le nom communément donné par les Anglais à Wahunsunacock. La confédération Powhatan, ne s'opposa pas aux Anglais au début, car ils avaient choisi un marécage de terres inutilisables pour s'installer et, de plus, ils pensaient que les Anglais pourraient servir d'alliés contre les Espagnols et d'autres tribus hostiles. Le chef Powhatan ordonna donc à son peuple d'approvisionner en matériel et en vivres les colons mal équipés et ineptes. Les colons en vinrent à compter sur ce type de service plutôt que d'apprendre à se débrouiller seuls. Le capitaine John Smith établit une bonne relation avec le chef Powhatan en 1607 mais, en 1609, cette relation se détériora en raison des abus continus des colons à l'égard des indigènes, notamment le vol de terres et de nourriture. Smith lui-même, en dépit de ses efforts pour se lier d'amitié avec les tribus, finit par participer au vol de nourriture et quitta la colonie pour l'Angleterre en octobre 1609 sans en informer le chef Powhatan.
L’ère de la famine à Jamestown de 1609/1610
Après le retour de Smith en Angleterre à la fin de 1609, les habitants de Jamestown souffrirent d'un long et rigoureux hiver connu sous le nom de «The Starving Time», au cours duquel plus de 100 d'entre eux sont morts. Des témoignages de première main décrivent des personnes désespérées qui mangent des animaux domestiques et du cuir de chaussures. George Percy, chef de la colonie en l’absence de John Smith, a écrit :
« Et maintenant, la famine commence à paraître horrible et pâle sur tous les visages auxquels rien n'a été épargné pour maintenir la vie et faire ces choses qui semblent incroyables, comme déterrer des cadavres dans les tombes et les manger, et certains ont léché le sang qui est tombé de leurs compagnons faibles. »
Certains colons de Jamestown ont même eu recours au cannibalisme ? C'est la découverte des ossements d'une adolescente, surnommée «Jane», qui permet aux archéologues de trancher la question. Les os du crâne et d'un tibia de cette jeune fille ont été retrouvés en 2012, sur le site de James Fort, le fort originel où les colons s'étaient établis en 1607. Et ces restes humains présentent des caractéristiques qui ont immédiatement alerté les chercheurs. D'une part, les restes ont été trouvés parmi des ossements d'animaux. Ensuite, des traces de coups, très nettes, ont été retrouvées sur le crâne. "L'intention était de démembrer le corps, d'enlever le cerveau et la chair du visage pour les consommer"
La jeune victime, «Jane», était une Anglaise de 14 ans environ. La cause de son décès n'a pu être déterminée, mais les chercheurs assurent que les traumatismes découverts ont été infligés après sa mort. Douglas Owsley, l’anthropologue qui a supervisé le projet explique : « La désespérance et les circonstances exceptionnelles auxquelles ont dû faire face les colons se retrouvent dans le traitement post mortem réservé au corps de l'enfant. »
Au printemps 1610, alors que les colons restants étaient sur le point d'abandonner Jamestown, deux navires arrivèrent avec au moins 150 nouveaux colons, une charge de ravitaillement et le nouveau gouverneur anglais de la colonie, Lord De La Warr.
La paix de Pocahontas.
Lord de la Warr rejeta l'approche antérieure de Smith dans ses relations avec les indigènes et instaura une politique sans compromis qui déclencha la première guerre de Powhatan (1610-1614), une série de guérillas et de contre-attaques qui firent de nombreuses victimes dans les deux camps. Les indigènes étaient de meilleurs guérilleros et leurs armes, l'arc et les flèches, étaient plus efficaces que les mousquets des colons qui mettaient plus de temps à recharger qu'il n'en fallait à un archer indigène pour décocher une nouvelle flèche. Les colons disposaient cependant d'une réserve apparemment infinie de personnes qui arrivaient sans cesse pour remplacer celles qui avaient été tuées, alors que les tribus de la Confédération ne disposaient pas de ce luxe. Les colons déplaçaient aussi continuellement les indigènes en attaquant un village, en tuant ses habitants et en le fortifiant, privant ainsi les populations indigènes des terres et des ressources qu'elles utilisaient pendant la guerre et élargissant ainsi la zone tampon entre les colonies anglaises et les villages indigènes.
Pocahontas n’est pas une inconnue pour les Anglais. Lorsque John Smith, suspecté de la mort de plusieurs Indiens, est capturé en décembre 1608 par le fils de Powhatan. Pocahontas, la fille du roi, est bien intervenue pour sauver l'Anglais de la torture. Par la suite, la jeune Indienne a effectivement accompagné Smith à Jamestown, et cela dans la plus pure tradition de la diplomatie indienne selon laquelle deux peuples échangent des « otages », garants des bonnes relations entre eux. Sa connaissance de l'anglais en fait une intermédiaire précieuse, et Powhatan l'utilise pour obtenir des renseignements sur la jeune colonie. Les relations entre les Algonquins et les colons se dégradent cependant, car ces derniers ne cessent d'étendre leurs champs de tabac au détriment des cultures indiennes. Au point que, en avril 1613, Samuel Argall, le responsable de la communauté coloniale, redoute une attaque, et que Powhatan rompt toutes relations commerciales avec les Anglais. Pocahontas, quant à elle, quoique désormais considérée comme une prisonnière, se fait convertir par le pasteur puritain Alexander Whitaker, et épouse John Rolfe.
Pourquoi une telle union ? La jeune Indienne souhaite-t-elle mettre un terme au conflit entre les deux peuples en affichant son amour pour un Anglais ? Y est-elle contrainte pour des raisons de propagande coloniale ? Les documents ne l'expliquent pas. Il semble en tout cas que son voyage à Londres, en 1616, soit organisé par la Compagnie de Virginie : il démontre les excellentes relations entretenues par les Anglais avec les « sauvages » et, par là même, la sécurité des investissements financiers des marchands londoniens dans les terres à tabac américaines. C'est sur le chemin du retour, sur un bateau remontant la Tamise, que Pocahontas meurt, de la variole probablement. Elle est enterrée près de Londres. Il semble bien que durant huit années la paix s’installe entre Indiens et colons anglais, mais l’insatiable appétit de terre des colons va mettre à bas ce fragile équilibre.
Le massacre de 1622.
L'attaque fut soigneusement planifiée et exécutée avec une telle rapidité et une telle précision qu'une seule colonie, Jamestown, fut avertie et put préparer une défense. Sur environ 1 250 colons anglais, 347 furent tués le 22 mars 1622, la plupart avant midi, et des centaines d'autres mourront au cours des mois suivants de malnutrition, de faim et de maladies dues à la destruction de leurs récoltes ainsi qu'à d'autres engagements périodiques avec les indigènes.
L'attaque fut complètement inattendue et fut une victoire militaire totale pour la confédération Powhatan. La paix avait été établie entre les colons et les indigènes depuis la fin de la première guerre de Powhatan en 1614. Les indigènes et les colons s'associaient dans le commerce, visitaient leurs établissements respectifs et les indigènes étaient souvent invités dans les maisons des colons. Depuis 1610, cependant, les colons avaient commencé à s'étendre depuis leur village d'origine à Jamestown, prenant de plus en plus de terres à la confédération Powhatan, maltraitant les indigènes, volant la nourriture et permettant au bétail de détruire les cultures et de profaner les sites sacrés pour les rituels autochtones.
- L'attaque d'Opchanacanough avait trois objectifs :
- Démontrer la puissance militaire de la confédération Powhatan ;
- Démoraliser les colons anglais ;
- Les encourager à faire leurs bagages et à retourner dans leur pays ;
L'attaque atteignit les deux premiers objectifs mais, au lieu de partir, les colons se retranchèrent et ripostèrent dans la deuxième guerre des Powhatan (1622-1626) qu'ils gagnèrent. Par la suite, le commerce avec certaines tribus fut découragé et davantage de terres furent saisies pour en faire des plantations de tabac. Opchanacanough lança une nouvelle offensive en 1644, déclenchant la troisième guerre des Powhatan (1644-1646) qui se termina par sa capture et sa mort.
À la suite de ce conflit, le traité de 1646 mit fin à la confédération des Powhatan et conduisit au système de réserves pour les tribus autochtones de la région. Le massacre de 1622 influença également les relations anglo-indigènes ailleurs dans les colonies anglaises, contribuant aux politiques et aux campagnes militaires anglaises pendant la guerre des Pequots (1636-1638) et la guerre du Roi Philippe (1675-1678) en Nouvelle-Angleterre et au développement de lois concernant les Autochtones par la suite.
Que reste-t-il de Jamestown ?
Incendiée moins d’un siècle plus tard, lors de la rebellion de Nathaniel Bacon, Jamestown est tombée en ruines à partir de 1699, quand le chef-lieu de la Virginie a été transféré à Williamsburg. Il a fallu attendre 1957, date du 350è anniversaire de l’arrivée des colons, pour que l’état de Virginie recrée, à proximité du site de Jamestown, une copie conforme de la colonie.
Contrairement aux premiers colons, les touristes arrivent maintenant à Jamestown en voiture. Ils peuvent aller au Jamestown Settlement ou visiter le site même de la colonie sur l’île de Jamestown. Au Jamestown Settlement et dans le village indien proche de Powhatan, les visiteurs peuvent se faire une idée de la vie dans la colonie, à ses débuts. Des figurants, vêtus à la mode de 1609, y parlent l’anglais du XVII siècle, et ils sont armés de mousquets de l’ère coloniale. Il y a aussi des figurants indiens dans le village de Powhatan. Les touristes peuvent aussi admirer des copies, grandeur nature, des trois navires qui avaient transporté les colons à Jamestown, à savoir le Susan Constant, le Godspeed et le Discovery.
A l’origine, Jamestown Settlement a été construite par l’état de Virginie parce qu’il n’y avait pas grand-chose à voir sur le site même de Jamestown. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Des historiens et des archéologues procèdent à des fouilles sur place.... Et on a maintenant une meilleure idée de la colonie, de ses habitants et de leur vie quotidienne.
Si Jamestown n’a pas laissé d’imposantes ruines, elle n’en pas moins laissé d’importantes traces dans l’histoire américaine, elle a été néanmoins le lieu de départ des grands conflits qui ont marqué l’Amérique jusqu’à nos jours :
- L’esclavage, qui, bien qu’aboli en 1865 marque encore les relations au sein de la société américaine.
- Les guerres indiennes, dont la dernière s’est déroulée à Wounded Knee en 1890 (voir https://www.pierre-mazet42.com/wounded-knee-la-fin-des-guerres-indiennes )
Enfin Jamestown nous a laissé une formidable légende ; Pocahontas.
Pour en savoir plus :
Hittinger Christopher, Jamestown, The Hoochie Coochie (2007)
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