Chroniques stéphanoises
Les Chansonniers stéphanois : frivoles et révolutionnaires.
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, éclot la vogue des chansonniers. Il ne s’agit pas de chansonniers d’aujourd’hui tels qu’on peut les voir se produire au théâtre des Deux Anes. Non, les chansonniers de cette époque chantent. Ils donnent de la voix dans les goguettes qu’on se gardera bien de confondre avec les guinguettes qui plus tard, accueilleront les bals musette. La goguette est un café dans lequel on se réunit entre copains pour festoyer et chanter ensemble. Bien vite, dans le Saint-Etienne industriel du second empire, les goguettes vont fleurir et les chansonniers stéphanois n’ont rien à envier à leurs homologues parisiens. Les chansons grivoises y fleurissent. L’ouvrier passementier Berthet se rend célèbre en interprétant « Le bichoun de la Rosine», dont je vous laisse apprécier le premier couplet.
Un jour que je me promenais
Dans un pré le long de Momey,
Une ourdisseuse y errait,
Tenant son bichon au soleil.
Ce bichon de terre fine
Qui était entouré de sapins,
Etait grand comme une marmite
Ce qui ne montre pas famine...
Il y avait du blanc, il y avait du noir,
Vraiment j'aurai donné mon avoir
Pour le bichon de la Rosine (bis)
Bien entendu, la police surveille étroitement ces lieux de subversion républicaine. La goguette Joly faisait partie des plus appréciées et des plus surveillées. Un piano y trônait, dans un décor coquet. Et chaque chansonnier ménageait ses effets, calculait des silences entre deux crescendo. C'était tellement mieux qu'un chant à cappella. Jusqu'au moment où le commissaire central vit rouge - c'est le cas de le dire - puisqu'on y chantait des chants républicains, et il fit fermer l'accueillante maison. Avec la chute de l’empire, les luttes se déplacent sur le terrain social. Saint-Etienne devient un haut lieu de l’anarchisme. Les luttes ouvrières nourrissent la verve des « goguettiers ». Parmi eux, Rémy Doutre, limeur à la manu, compose une chanson à la mémoire des fusillés du « brulé » à la Ricamarie :
On a tué l'enfant dans les bras de sa mère,
Égorgé lâchement la femme à genoux,
Un paisible vieillard qui défrichait sa terre
On parlera longtemps soldats de ce "fait d'arme"
Soldats, quand vous frappez l'ennemi de la France
Dans un loyal combat, vous êtes des héros ;
Mais quand vous massacrez vos frères sans défense,
Vous n'êtes plus soldats, vous êtes des bourreaux.
Bien d’autres ont composé poèmes et chansons. Ils sont regroupés en 1883 au sein du « Caveau stéphanois », placé sous la présidence de Victor Hugo et Gustave Nadaud. Au sein de tous ces personnages, Jean-François Gonon occupe une place particulière, puisqu’on lui doit une « Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne depuis son origine jusqu'à notre époque », parue en 1906. En constante relation avec les anarchistes, il écrit un poème dédié à Louise Michel : « La Vierge des opprimés », ce qui lui vaut d’être exclu du « Caveau ». En 1900, il fonde « La chorale plébéienne », dont firent partie Louise Michel, Jean-Baptiste Clément (auteur « Du temps des cerises ») et Clovis Hugues. Ensuite, il fonde « Le temple de la chanson », fréquenté par des poètes-ouvriers volontiers libertaires, qui chantent la cause du peuple lors des grèves et des catastrophes minières. Bien sûr, les lieux où s’exprimaient tous ces personnages ont parfois disparu ou ont été transformés. Néanmoins, la ville porte encore leur empreinte, puisque nombre de voies portent leur nom :
- La rue Clovis Hugues qui relie la place Carnot au boulevard Albert 1er ;
- Le cours Gustave Nadaud qui relie la rue Etienne Mimard au Cours Fauriel ;
- La rue Rémy Doutre qui unit la Grand’rue au boulevard Daguerre ;
- La place Jean-Francois Gonon, dans le quartier de Tarentaize.
On peut ajouter la Place Johannes Merlat (devant l’Eglise Saint-Ennemond), photographe amateur, mais surtout poète et chanteur dont longtemps les Stéphanois chantèrent « A l’étang Momey » et « Au Panassa ». Pour la petite histoire, Johannes Merlat est né dans la même maison que Francis Garnier, à l’angle de la Place Jean-Jaurès et de la rue Francis Garnier. Parfois, les maisons aussi ont des destins.
Pour en savoir plus :
Jean-François Gonon : Histoire de la chanson stéphanoise et forézienne depuis son origine jusqu'à notre époque – 1906
Les Lamaizière, architectes des Nouvelles Galeries
La famille Lamaizière est une véritable dynastie d’architectes qui eut son heure de gloire à la charnière des XIXème et XXème siècles. D’origine stéphanoise, elle a profondément et durablement marqué le paysage urbain local. Son activité débordante a très largement dépassé le cadre du Forez. Le père, Pierre Lamaizière est né à Saisy (Saône-et-Loire) le 25 mars 1855. Il est le fils de Jean Lamaizière, cultivateur, et de Claudine Royer. Il entre en 1874, comme dessinateur, au bureau d’architecture de la ville de Saint-Étienne. Sa carrière est rapide. En 1880, il ouvre une agence d’architecture, rue Marengo et en 1885, il est nommé architecte en chef de la ville. En 1902, il quitte son poste d'architecte de la ville et ouvre une agence Place Mi-Carême (actuelle place Jean Plotton). Son fils, Marcel Claude Léon Lamaizière, élève de l'école des Beaux-Arts de Paris, rejoint son père en 1905. Dès l’ouverture, les commandes affluent. Le concept architectural de son cabinet, qui offre un projet de travail "tout compris", séduit les clients potentiels. Il décroche ainsi, dès son ouverture, des commandes importantes provenant des grands capitaines d’industrie qui peuplent Saint-Étienne à la fin du XIXème siècle. Le père et le fils travaillent alors main dans la main, les deux hommes se complétant parfaitement. En effet, l’un possède un esprit pratique et organisateur, joint à de réels talents de négociateurs, avec une grande fermeté dans la conduite des chantiers, l’autre est un artiste, doué pour le dessin, auteur de façades remarquables, décorateur d’intérieur raffiné. Bien au-delà de Saint-Etienne, le cabinet connaît une notoriété nationale grâce à sa collaboration avec la famille Démogé-Canlorbe, famille fondatrice du "Grand Bazar" qui deviendra rapidement les "Nouvelles-Galeries". Ainsi entre 1894 et 1930, sont construits, dans toute la France une trentaine de magasins qui portent leur marque. Les Lamaizière ont contribué à une large diffusion du modèle de grand magasin à tourelle d'angle, repris avec des variations à l'infini. L'intérieur s'organise généralement autour d'un grand escalier desservant des galeries éclairées par un ciel vitré. Le nouveau projet municipal de régénération du centre-ville de Saint-Etienne donne à Léon Lamaizière l’occasion de gravir un nouvel échelon de cette réussite exceptionnelle. En 1907, profitant de la nouvelle réglementation sur la voirie des villes, votée en 1905, il fonde la "Société des Immeubles Modernes" dont il est à la fois l’administrateur principal, l’architecte et le maître d’œuvre de ces nouveaux immeubles de rapport sis du 23 au 29 avenue de la Libération. A l’intérieur du paysage stéphanois, ils ont laissé une empreinte considérable. En autres réalisations, outre les « Nouvelles Galeries », on peut citer
- Manufrance (Cours Fauriel) ;
- La Bourse du Travail (Cours Victor Hugo) en 1901-1902 ;
- La Condition des Soies (rue d'Arcole) en 1909-1910 ;
Le cabinet connaît toutefois un tragique destin. Marcel, le fils chéri, meurt le 5 novembre 1924 à l’âge de quarante quatre ans. Son père aura du mal à surmonter sa peine et se remettre au travail. Deux ans plus tard, il cède le cabinet d’architecte à deux de ses plus proches collaborateurs, Pierre Mas et Francisque Martin. Le ressort est définitivement cassé. Il se retire alors à Annecy où il s’éteint le 23 septembre 1941. A Saint –Etienne, une rue du quartier de la Terrasse porte le nom de Léon Lamaizière.
Pour en savoir plus :
Les archives municipales lui ont consacré une belle biographie : Les Lamaizière .
Au fil de la Loire.
De tout temps, la Loire a été un axe de communication pour les régions qu’elle parcourait. Notre département, traversé sur toute sa longueur par le fleuve, a pris une part active à la navigation qui l’animait. Au cours du XVIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe, la navigation sur la Loire ne cesse de croitre : les marchandises en provenance du bassin méditerranéen, du Lyonnais, d'Auvergne transitent par Roanne pour être transportées dans les pays de Loire jusqu'à Nantes ou à Paris. Le transport des voyageurs est très intense malgré́ la lenteur et l'incertitude de la navigation sur un fleuve aussi irrégulier : à sec en été, dangereux en hiver par ses crues fréquentes et brutales. Le projet de rendre la Loire navigable pour relier Saint-Etienne à Roanne avait déjà été envisagé dès la fin du XVI° siècle puis plus sérieusement en 1670, sans suite toutefois. A la suite de l’ouverture du canal de Briare en 1642, créant le passage de la Loire à la Seine, s’ouvrait, après Nantes ,la route de Paris pour l’acheminement du charbon vers les manufactures royales. Des deux bassins houillers repérés, Brassac dans le Haut-Allier et Saint-Etienne, c’est le premier qui est choisi. L’Allier plus docile sera le premier vecteur de ce commerce. Quand ce bassin ne suffit plus, on se tourne vers le bassin stéphanois. En 1702, par lettres patentes du roi Louis XIV sont octroyés le droit et le monopole de la navigation sur la Loire à Pierre De La Gardette qui avait remis le projet au goût du jour, à savoir, aménager le cours de la Loire jusqu’à Roanne à ses frais et assurer ensuite son entretien, en compensation, des droits de navigation. La Compagnie La Gardette réalise les travaux de 1702 à 1705. Ces travaux consistent à réduire principalement les rochers amoncelés au Saut du Perron obstruant le passage dans les gorges de Villerest. En 1705, un premier « bateau » dénommé « sapine ou ramberte », fabriquée à Saint-Rambert, descend, chargé de charbon de Roche-la-Molière, le cours de la Loire depuis Saint-Just jusqu’à Roanne. Ce sont des barques légères à fond plat de 27 mètres de long, 4 mètres de large et 1,10 mètre de profondeur. L'arrière est vertical pour profiter de la poussée du courant, l'avant fuyant pour glisser plus facilement sur les hauts fonds. Construites en minces planches de sapin, elles présentent une grande souplesse qui évite leur fracas sur les écueils. Elles sont manœuvrées à l’aide de longues perches ferrées et un aviron de six mètres de long à l'arrière, « l'empeinte ». Arrivées à destination, elles sont « déchirées » et vendues comme bois de chauffe. Elles permettent dès lors le transport du charbon de terre du bassin stéphanois. Chargées de 15 à 25 tonnes, selon l'état du fleuve, au port de Noirie près de Firminy, ces embarcations descendent le fleuve d'abord calme, puis sur 23 kilomètres doivent affronter les dangers des gorges de la Loire de Balbigny à Roanne. Le paroxysme est atteint au passage du Saut du Perron avec ses écueils et son dénivelé́ de trois mètres sur une très courte distance. Cinq bateliers ne sont pas de trop pour gouverner la « saint-ramberte « dans le courant. A Roanne, un complément de cargaison est effectué. Une partie de la charge d'un bateau est transférée sur un autre pour atteindre 40 à 45 tonnes. Les sapines sont alors couplées. Solidement attachées l'une à l'autre, la première qui porte la cabane dépasse de trois mètres la seconde : c'est le bout avant. Cet ensemble manœuvré par deux hommes descend le fleuve jusqu'à Briare.
Les rambertes fréquenteront la Loire de 1704 à 1860, après avoir connu leur apogée en 1846. Elles cessent d'être construites en 1860, concurrencées à la fois par le rail et les canaux latéraux à la Loire. Ce furent ainsi des milliers de bateaux qui, en un siècle et demi, seront descendus du haut Forez. Cette construction massive est aussi responsable de la déforestation de la haute-vallée de la Loire, et en partie de la gravité des grandes crues des XVIIème et XIXème siècle, en particulier 1790, 1846, 1856 et 1866.
Pour en savoir plus :
Jean Lavigne, La batellerie de Loire "haute" du Gerbier de Jonc au Roannais, 1702-1764, Saint-Barthélemy-Lestra : éditions faucoup, collection "Histoire et Patrimoine", 2016
Noel Pointe : Premier ouvrier-député
Tous les Stéphanois connaissent la rue Pointe Cadet qui unit la rue Léon Nautin à la rue du Bois, tout près de la place Chavanelle. L’histoire de l’homme, qui lui donna son nom, est sans doute moins connue. Pour l’état-civil, il est bien Noël Pointe. Le terme de Cadet a été ajouté car son frère ainé portait déjà le prénom de Noël et il fallait bien les distinguer ! Noël Pointe est né le 12 juillet 1775 à Saint-Etienne. Son père était armurier, et était domicilié rue Notre Dame dans le quartier ouvrier de Chavanelle. Noël Pointe Cadet appartient en effet à cette corporation d'armuriers qui va faire de la ville le principal arsenal des armées révolutionnaires. Noël fait partie de ces gens du peuple qui ont été les vrais acteurs de la Révolution française. Il aurait pu faire partie de ces individus qui se sont enrichis et qui ont réussi leur ascension sociale à la faveur des événements. Rien de tel pour Noël Pointe. Pauvre il commença, pauvre il finit. Il serait sans doute resté un oublié de l’histoire si Jaurès ne l’avait pas cité dans son « Histoire socialiste de la Révolution française », comme le seul ouvrier de la Convention.
Un acteur précoce de la Révolution stéphanoise.
En novembre 1789, Claude Odde, est emprisonné pour avoir dénoncé la main mise sur un stock d’armes par des contre-révolutionnaires. La mobilisation populaire est immédiate. Plus de cinq mille fusils sont extraits de la Manufacture et l’émeute se déporte à Montbrison. Noël en fait partie et Claude Odde est libéré. Quelques années plus tard, Noël fit son éloge devant la Convention. Les émois s’apaisent quelque peu et Noël est nommé commissaire de son quartier pour prendre « la liste exacte des familles indigentes ». En mars 1790, lors des premières élections municipales, Noël ne paie pas un impôt suffisant, il n’est pas éligible. En compensation, il fait partie des gardes nationaux qui montent à Paris (au frais de la municipalité) pour participer à la fête de la fédération.
L’armurier devient député.
On sait peu de choses de l’activité de Noël Pointe jusqu’à son élection. Il occupe probablement une place importante dans la « Société des amis de la Constitution ». Lorsqu’en 1791, une assemblée pro-jacobine (dirigée par Antoine Desverneys) est mise en place, il en est membre sans avoir les ressources nécessaires. En 1792, il est élu député à la Convention. Son premier acte connu de député est son texte du 30 novembre 1792 dans lequel il se déclare partisan de l’exécution de Louis XVI sans perdre de temps.
L'été 1793 est le moment où s’aiguise la rivalité entre Girondins et Jacobins. Il est alors chargé d'une première mission à Saint- Etienne, au moment même de la révolte des girondins, dont on sait que le principal foyer était à Lyon. Comme les troupes girondines marchaient sur le Forez et ne faisaient pas de quartier aux jacobins, il fut contraint de se cacher, afin d'éviter le sort funeste qui avait été, dans la grande cité voisine, celui de son collègue Chalier, puis il réussit à quitter clandestinement des lieux où sa vie était menacée.
Relégué à vie.
Après la chute de Robespierre, il est vite mis politiquement à l'écart, exposé à des tracasseries, relégué dans des postes subalternes. Il mène dès lors une vie plutôt disloquée et médiocre, nommé successivement directeur d'une manufacture vouée à une prompte fermeture, puis greffier de tribunal. Privé de toute fonction publique sous le Premier Empire, père d'une famille très nombreuse, il reprend son métier d'armurier à Périgueux. A la fin du Premier Empire, on le retrouve percepteur dans une localité de Dordogne, Thénac. En 1816, il est frappé de bannissement par la Restauration (il était régicide). En 1818, Noël Pointe échappe à la déportation, mais il est enfermé pendant quelques mois dans la prison de Périgueux. Libéré de cette dernière, il se retire alors près du village de Monestier, en Dordogne, à La Bastide. Misérable et affaibli, il meurt en 1825, sur le chemin qui le conduisait à pied vers Bordeaux pour rejoindre l'une de ses filles demeurant dans cette ville.
Dans la mémoire stéphanoise.
Depuis le 25 novembre 1921, il existe à Saint-Etienne une rue de la Convention et une rue Noël Pointe Cadet. Ce double hommage public fut décidé par la municipalité de gauche au lendemain de la première Guerre Mondiale. Il est significatif que les élus stéphanois aient tenu à honorer simultanément l'Assemblée révolutionnaire qui a proclamé la République en septembre 1792 et le député de Rhône-et-Loire qui s'y distingua surtout par ses origines ouvrières.
Pour en savoir plus :
https://www.forez-info.com/encyclopedie/histoire-sociale-de-la-loire/16850-noel-pointe-cadet.html
Marc Caussidière : du pavé stéphanois à la préfecture de police
Devenir préfet de police de Paris n’était certainement pas inscrit dans les perspectives d’avenir du jeune Louis Marc Caussidière. Ni son cursus professionnel et encore moins ses opinions politiques ne lui permettaient de l’envisager. Marc Caussidière fait partie de ces hommes que les circonstances, en particulier dans des périodes troublées, projettent sur le devant de la scène révélant ainsi leurs qualités. Né le 18 mai 1808 à Lyon (Rhône) dans une famille d'artisans, marié à Caroline Dutertre, il travaille très tôt dans des fabriques (notamment de soieries) de Lyon et de Saint-Etienne. Il se révèle pleinement comme révolutionnaire lors des révoltes des Canuts d’avril 1834, auxquelles il participe, en particulier, à Saint-Etienne. Les ouvriers stéphanois tentent de rejoindre leur camarade lyonnais en grève contre La baisse sur les salaires décidée par les chefs de fabrique au début de l’année 1834. Le 9 avril, jour où commence devant les tribunaux le procès des chefs d’ateliers et des ouvriers poursuivis à la suite de la grève de février, est également celui de la cessation du travail. Cette grève se transforme en une insurrection qui dure six jours et se termine par la défaite des ouvriers et des républicains. Il y eut de nombreux morts et blessés et quatre cents arrestations. Déjà, le 19 février, quelques républicains qui chantaient “La Marseillaise” se trouvèrent aux prises avec la police qui leur signifia d’avoir à se disperser. Le lendemain, la foule se réunit dans la rue et entonna l’hymne de Rouget de Lisle. La police intervint et des manifestants furent arrêtés. On voulut les incarcérer mais, devant la prison, leurs camarades tentèrent de les délivrer. Une violente bagarre éclata. Plusieurs manifestants furent blessés à coup de baïonnette, et un agent fut tué d’un coup de couteau. Une centaine d’arrestations eut lieu par la suite. Parmi les personnes arrêtées se trouvait Caussidière, le chef des républicains stéphanois qu’on essaya de rendre responsable du décès de l’agent. Caussidière eut d’ailleurs une attitude courageuse. Dans une lettre qui fut publiée quelques jours après, il revendiqua la responsabilité d’avoir organisé la manifestation pour protester contre l’interdiction du chant “La Marseillaise”. Il déclara également que les manifestants avaient eu raison de se défendre contre les brutalités de la police. Condamné, il est incarcèré au Mont-Saint-Michel. Il tente de s’évader. Son compagnon de fuite s’étant blessé, il renonce. Il bénéficie de l'amnistie générale de 1837. Il met à profit son métier de courtier en vins et eaux-de-vie au bénéfice du journal radical la « Réforme », en qualité de « voyageur » chargé de recruter abonnés et actionnaires. Ce qu’il fait avec un succès certain. On le retrouve à Paris, en 1839, où il conspire et fait partie de groupes et de sociétés sécrètes républicains. Le 24 février 1848, Caussidière prend le fusil, monte sur les barricades et occupe la préfecture de police. Il est nommé le même jour, délégué́ de la République au département de la Police, le 29 février 1848, délégué à l’administration de la police de la Seine, nommé par le maire de Paris et le
17 mars, préfet de police, dépendant directement du ministre de l’intérieur. A ce poste, il remplace les sergents de ville par les gardiens de Paris et crée, pour la garde de la préfecture, le corps des « Montagnards » composé de quatre compagnies rassemblant d'anciens membres des sociétés secrètes, d'anciens prisonniers politiques et des révolutionnaires résolus. Ils sont vêtus d'un uniforme original : blouse bleue, ceinture et cravate rouges. Élu du département de la Seine à l'Assemblée Constituante (23 avril 1848) tout en demeurant préfet de police, il reste dans une expectative suspecte lors de la journée insurrectionnelle (envahissement du Palais-Bourbon et de ministères) du 15 mai 1848 et se voit bientôt accusé d'en être le complice. Démis de ses fonctions de préfet de police, démissionnaire de son mandat de député, il se fait toutefois réélire représentant du département de la Seine lors de l'élection complémentaire du 4 juin 1848 par une forte majorité (147 400 voix pour 248 400 inscrits). Il reprend place à la Montagne, vote le 28 juillet contre le décret sur les clubs. Il monte à la tribune pour se défendre contre les accusations portées contre lui, mais l'Assemblée, ayant autorisé les poursuites à son encontre, vu le réquisitoire du procureur général lui attribuant la responsabilité des évènements du 15 mai, il prend la fuite et se réfugie à Londres, puis aux États-Unis où il reprend ses activités de courtage en liquides. La Haute Cour de Justice de Bourges le condamne par contumace à la déportation pour son implication dans la journée révolutionnaire du 15 mai 1848. Il écrit et publie ses Mémoires et ne revient à Paris qu'après l'amnistie de 1859, avant de décéder en janvier 1861. Il a sa rue à Saint-Etienne, au-dessus du quartier de Montaud.
Pour en savoir plus :