Du Polar et de l'Histoire : le blog de Pierre Mazet

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Mungo Park : conteur de l'Afrique

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Henning Mankell passa une bonne partie de sa jeunesse à Sveg, une ville du centre de la Suède, dont le décor était fait de vastes forêts de pins et de cours d’eau. L’endroit était magnifique pour grandir et l’isolement propre à stimuler son imagination naissante. Mais Mankell, porte un regard mitigé sur cet environnement et il trouve refuge dans les livres d’aventure. Il avouera plus tard que c’est en lisant « Voyage dans l'intérieur de l'Afrique »  de Mungo Park qu’il prend goût à l’écriture et que naissent ses envies d’Afrique. En effet, Mungo Park  est un des premiers Européens à  s’être enfoncé aussi profondément dans le continent africain et en avoir rapporté une description propre à titiller notre imaginaire. Autant que les péripéties de l’expédition, c’est sa manière de les conter qui a fait sa renommée.

 

Une enfance écossaise.

 

Il est né le 10 septembre 1771 à Fowlshiels, près de Selkirk, en Écosse. Son père était un fermier qui, suivant l'usage de ses compatriotes, fit donner à ses enfants une bonne éducation. Dès sa jeunesse, il montra un grand appétit pour les études : son père eut l'idée de lui faire embrasser l'état ecclésiastique, mais Mungo Park préféra la carrière médicale. Après avoir fait des études de médecine, il devient chirurgien. En 1792, Park s'embarque comme chirurgien sur le Worcester,  un vaisseau qui allait à Bencoulen, dans l'île de Sumatra. A cette époque, l'African society, de Londres, cherchait quelqu'un qu'elle pût envoyer en Nigritie (Soudan occidental) pour remplacer Houghton, qui avait péri en essayant de pénétrer dans cette contrée.

 

Une première exploration inaccomplie.

 

L'intérieur de l'Afrique n'a pas été exploré par les Européens jusqu'à la fin du 18e siècle. On en connaissait les côtes occidentales, par où se faisait le commerce des esclaves. Mais l'acheminement de ces derniers étant assuré par des Africains, on ne s'aventurait pas dans des régions qui semblaient fort hostiles, tant par leur climat, leur végétation, leur faune, que par leurs habitants. Et qu'aurait-on eu à y gagner ? Le 18e siècle a mêlé la curiosité scientifique et les intérêts du commerce. Mélange particulièrement réussi chez les anglo-saxons qui sont alors l'avant-garde de l'Europe. Et c'est en effet une société britannique, l’African Association, fondée en 1788, qui confie à Mungo Park, la tâche de pénétrer jusqu’au Niger par la rivière de Gambie. C'est ainsi qu'à 24 ans, en 1795, il part en mission en Afrique. Il remonte le fleuve Gambie, au milieu du Sénégal actuel, jusqu'à l'ultime poste britannique, à 200 miles en amont. De là, il s'engage vers l'intérieur seulement accompagné de deux serviteurs noirs. Les péripéties foisonnent. Ainsi, il est  capturé par un chef maure et réussi à s'enfuir au bout de quatre mois. Le 21 juillet 1796, il atteint le fleuve Niger à Segou. Pour le retour, il suit une route plus au sud. Malade, il doit à la bienveillance d'un chef noir de pouvoir se rétablir pendant sept longs mois. Enfin, le 22 décembre 1797, le voilà de retour en Grande-Bretagne après un crochet par... l'Amérique (dans le commerce triangulaire, aucun navire ne revenait directement d'Afrique en Europe). Mungo Park écrit alors le récit de son expédition : « Voyage à l'intérieur de l'Afrique ». Il a le mérite de donner toutes les  précisions sur les lieux qu'il a réellement traversés, même s'il n'a pu mener à bien l'ensemble du programme prévu. On le voit partir de la ville de Pisania, en Gambie, pour atteindre successivement le royaume de Bondou, où il traverse la rivière Falémé, puis le royaume de Kajaaga, le royaume de Kasson, le royaume de Kaarta, le Ludamar ou pays des Maures, le royaume de Bambarra et sa capitale Sego. C'est à quelque distance de là qu'il doit renoncer à s'avancer plus avant vers l'Est. Son trajet de retour est situé sensiblement plus au Sud que l'aller ; il suit d'abord les rives du Niger jusqu'à Bamako, puis traverse le pays mandingue pour revenir à son point de départ en Gambie. Son double trajet d'Ouest en Est et d'Est en Ouest lui permet donc de traverser le Sénégal et une partie de l’actuel Mali, sans atteindre Tombouctou. Le résultat le plus important de son voyage consiste dans les informations enfin correctes qu'il a pu apporter sur le cours du Niger, dont la direction est à l'inverse de ce qu'on croyait jusque-là. D'une manière plus générale, on peut dire que la partie géographique de sa mission a été accomplie. De son premier voyage, Mungo Park a rapporté aussi de précieuses indications sur les sociétés d'Afrique occidentale. Ainsi il souligne dans son récit la diffusion rapide d'un islam abâtardi dans toute la région du Sahel (le Mali actuel). Il note aussi la haine des Noirs pour les Maures (lui-même ne porte pas ces derniers dans son coeur et leur reproche leur cruauté et leurs menteries). Il souligne la fréquence des guerres. Celles-ci sont de deux types. D'une part des guerres formelles à l'européenne, d'autre part des rezzou ou coups de main ayant pour objectif principal la vengeance et la quête d'esclaves. Résultat des guerres, les famines et les disettes sont fréquentes et parfois si dramatiques que des hommes libres n'hésitent pas à se vendre eux-mêmes comme esclaves ou à vendre leurs propres enfants. Il arrive, raconte Mungo Park, que des négriers européens installés sur la côte reçoivent de telles propositions ! L'explorateur souligne l'importance de l’esclavage, profondément enraciné dans les structures sociales africaines. Parmi les esclaves, il y a ceux qui le sont par naissance. Ceux-là, plus dociles, sont plus volontiers revendus aux Européens. Il y a aussi ceux qui le sont devenus par le fait d'une guerre ou de leur insolvabilité. Mungo Park décrit des savanes arborées et des paysages aux collines verdoyantes, la menace des bêtes fauves et des lions, dont les villageois se protègent par des clôtures. Une seule contrée, à l'ouest de la Gambie, pratique la fumure et utilise le fumier des bêtes pour fertiliser les sols. Elle dispose aussi d'une petite sidérurgie. Mungo Park déplore les cases enfumées, les Africains ignorant les cheminées qui permettent d'économiser du combustible et d'évacuer la fumée. Il regrette que les Européens de la côte ne se soucient pas de répondre à la curiosité des Africains ni de leur enseigner leur langue et leur foi. En-dehors des esclaves, l'Afrique occidentale exporte pour l'essentiel de la poudre d'or et de l'ivoire. Les Noirs achètent aux Européens de leur côté du rhum, des fusils, de la poudre,... Ils achètent par ailleurs aux Maures du sel gemme. Sur les rives de Gambie, il s'écoule plusieurs mois sans que passe un seul navire négrier. Quand Mungo Park en trouve enfin un, celui-ci l'amène aux Antilles en 25 jours... Sur le navire sont embarqués aussi 130 esclaves, dont 25 qui furent naguère libres, les autres étant des esclaves de naissance. Le voyage, périlleux, se solde par 20 à 30 décès...

 

Deuxième voyage fatal

 

Après l’accueil triomphal réservé à ses écrits, Mungo Park pensait couler des jours heureux dans sa ville natale. Mais en 1803, le démon du voyage frappa de nouveau à sa porte. A la demande de son gouvernement, il accepte de mener une nouvelle expédition sur le Niger. Il repart le 30 janvier 1805, à Gorée, puis rallie Bamako. Il construit un bateau pour descendre le Niger. La maladie et les embuscades des autochtones déciment l'expédition : il perd 33 de ses compagnons. Malgré ces difficultés, il descend le Niger sur 1 600 km, avant d'être attaqué par les Haoussas. Sur le point d'être submergé, il se retire vers le fleuve où il se noie avec ses compagnons restants, à proximité de Boussa. Un guide et un porteur rescapés ont rapporté sa fin tragique.

 

Isaaco, et plus tard Lander, récupérèrent certains des effets de Park, mais son journal ne fut jamais retrouvé. En 1827, son second fils, Thomas, débarqua sur la Côte de Guinée, dans l'intention de rallier Boussa, où il pensait que son père aurait pu être retenu prisonnier ; mais après avoir pénétré d'une courte distance à l'intérieur des terres, il fut frappé de fièvres et mourut. La veuve de Park, Allison, mourut en 1840. 

 

Que reste-t-il de  l’expédition de Mungo Park ?

 

D’abord une connaissance de l’Afrique qui ne se limite pas à la zone côtière. Il est le premier à fournir une description de l’Afrique de l’intérieur et qui n’est pas très reluisante.  Ensuite, l'histoire de Mungo Park nous incite à y voir un trait du 18e siècle même finissant, alors que le comportement qu'il adopta dans son second voyage est déjà̀ celui des explorateurs du 19e siècle, impliqués dans les projets de conquête.

 

Pour en savoir plus :

 

https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1990_num_22_1_1749

 

Voyage dans l'intérieur de l'Afrique, de Mungo Park, Ed. La Découverte/poche, mai 2009

 

 



22/08/2018
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