Du Polar et de l'Histoire : le blog de Pierre Mazet

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La colère de la Montagne Pelée.

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De la montagne pelée, on se souvient de l’explosion de 8 mai 1902. Lorsqu’ils visitent Saint-Pierre, les touristes vont jeter un œil au cachot de Louis Cyparis, un des deux survivants de la catastrophe qui a détruit Saint-Pierre. Cette ville, située au nord-ouest de la Martinique sur la mer des Caraïbes,  apparaissait alors comme la capitale commerciale et culturelle de la Martinique.  On l’appelait Petit Paris ou la Perle des Antilles. Le 8 mai 1902, une nuée ardente détruit le quasi totalité de la ville et causa la mort de près de 30 000 personnes.

 

C’est quoi la Montagne Pelée ?

 

Vers 1635, les premiers bateaux français arrivèrent sur la Martinique. Une haute montagne se dressait devant eux, nue de toute végétation. Le volcan était actif, et les fréquentes coulées de lave laissaient peu de chance à la végétation de s’y développer. Le volcan est aujourd’hui toujours actif, et très étudié des scientifiques du monde entier. Il est un modèle du type éruptif péléen : le Mont donna son nom au phénomène d’éjection brutale de nuées ardentes. La lave y est très visqueuse, et ne fait pas de coulée. Elle forme à son point de sortie un dôme de lave solidifiée, créant un bouchon hermétique. Lorsque la pression devient trop forte, le bouchon explose, suivi d’une émission de gaz toxiques, de cendres et de pierres volcaniques. La Montagne Pelée était déjà entrée en éruption peu de temps avant l'arrivée des colons Français (1635). Les Français trouvèrent donc une "montagne" recouverte de cendre d'où son nom de montagne Pelée. On sait également que le Volcan était entré en éruption vers l'an 300, ce qui avait fait fuir les Indiens Arawaks qui revinrent seulement un siècle plus tard ! Depuis l'arrivée des Français en Martinique, il y eut à 4 reprises des épisodes d'éruptions volcaniques de la Montagne Pelée:

- En 1792 il y eut une éruption mineure.

- En 1851 à 1852 les éruptions furent plus violentes sans toutefois menacer la population.

 

Des signes avant-coureurs. 

 

L’éruption du 8 mai 1902 n’est pas arrivée par hasard. Dès 1889, des fumerolles sont signalées dans le cratère du volcan, l'Étang Sec. Au début de 1900, il y a deux fumerolles à fort débit. À partir de janvier 1902, les débits augmentent. Les villages " sous le vent ", comme le Prêcheur, sont fortement incommodés par l'odeur d'œuf pourri des gaz rabattus. Des petites explosions de vapeurs semblent se produire dès la mi-mars. La première explosion phréatique sûre a lieu le 23 avril au soir. Les premières cendres tombent sur le Prêcheur. Des séismes sont ressentis. Panaches de cendres et de vapeur, explosions, chutes de cendres, séismes, sont de plus en plus fréquents jusqu'au 2 mai. Dans la nuit suivante, des détonations extrêmement fortes sont entendues, le panache monte à plus de 4 km d'altitude, des blocs de roche sont projetés à plus de 2 km du sommet, des lueurs impressionnantes zèbrent le panache. Les cendres retombent sur une bonne partie de l'île, entraînant des mouvements de panique. Le 5, une forte explosion à 12 h 30 est suivie d'une secousse qui détruit l'usine sucrière Guérin et produit un tsunami en arrivant dans la mer. Des gaz bleutés sortent du cratère. Le SO2, gaz magmatique par excellence, apparaît donc. Le 6 au soir, la base du panache est rougeoyante, c'est probablement l'arrivée de la lave sous forme d'un dôme dans le fond du cratère. Dès le 7 au matin apparaissent des petites nuées et le soir des projections de blocs incandescents. Dans la nuit, on observe des gerbes de lave projetées par les explosions. Le jeudi 8 mai, jour de l’Ascension, c'est le cataclysme.  Une énorme détonation, conséquence de l’explosion dans le cratère provoquant un puissant souffle, surprend les habitants. Les effets se font sentir jusqu’à Fort-de-France à 26 km de distance à vol d’oiseau. L’explosion produisit un panache noir en forme de champignon haut de plus de 4km au-dessus du volcan, visible à plus de 100km de distance. Le souffle  renversa les murs de la cathédrale et fit voler les toits. L’explosion est suivie en 3 minutes par un immense nuage toxique et une nuée ardente déferle à plus de 500km/h sur la ville. A  7 h 52, en moins d’une minute, le nuage de cendres, de pierres et de gaz enflammés recouvre la ville, des incendies se déclarent un peu partout et s’étendent rapidement. Les bateaux dans le port chavirent, retournés par les vagues créées par l’explosion. La température est tellement élevée qu’elle a fait fondre le métal et le verre.

Les 30 000 habitants de la ville succombent à l’onde de choc, à l’inhalation de gaz brûlants, toxiques, aux brûlures, aux chutes de boue brulante et blocs de roches, à l’écroulement de bâtisses. Les corps de familles entières ont été retrouvés figés autour de la table du petit déjeuner. L’année 1902 est encore marquée par d’autres éruptions d’une grande violence : celle du 20 mai finit de raser la ville de Saint-Pierre ; mais surtout, le 30 août, la nuée s’abat sur le Morne-Rouge et alourdit le bilan des pertes de 1200 victimes.

 

Saint-Pierre change de destin. 

 

Après cet évènement Fort-de-France, déjà chef-lieu administratif, devient la ville principale de l’île. On y créé l’orphelinat de l’Espérance pour accueillir les nombreux enfants se retrouvant sans famille.  Les sinistrés furent relogés dans d’autres villages de la côte nord-atlantique et dans le sud de l’île. D’autres sont partis pour la Guadeloupe, Sainte-Lucie, Trinidad, la Guyane ou encore au  Panama et au Venezuela. La ville est rayée de la carte administrative en février 1910 et une nouvelle Saint-Pierre sera inaugurée le 20 mars 1923. St-Pierre n’est que l’ombre de son passé. Il faut une bonne dose d’imagination pour s’y replonger. La ville fut un phare et une capitale culturelle et économique pour les Antilles du XIXe siècle. Ses lampadaires illuminaient les rues à l’électricité, une ligne de tramway hippomobile circulait dans la grande rue et, à partir de 1879, on y découvre même le vitascope, le premier cinéma des colonies françaises. Alors qu’aujourd’hui la chaleur est souvent accablante, à l’époque cette ville thermale était parcourue de multiples canaux et de fontaines qui rafraichissaient l’atmosphère. Le bruit de l’écoulement des eaux aurait même donné aux Pierrotins une réputation d’orateurs bruyants. Sur le plan industriel, le rhum et le sucre faisaient la richesse de la ville, on y comptait 16 distilleries et leur savoir-faire était réputé dans toute la Caraïbe. Sur le port se concentraient des denrées qui transitaient entre l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord, cacao, vin d’orange, indigo, manioc, ananas. La ville était une escale mythique pour les marins, attirés par sa vie nocturne, festive et frivole. Plus d’une centaine de bouges et de débits de boissons s’animaient à la tombée du jour. L’ambiance libertine est décrite dans un des uniques romans sur la ville de l’époque, « Nuit d’Orgie à St-Pierre ».  La ville est aussi le siège de 11 des 15 journaux martiniquais de l’époque. Ils traitent essentiellement de politique, une des passions des Pierrotins. La ville de St-Pierre ne fut jamais reconstruite à l’identique. Elle perdait, déjà à l’époque, sa domination face à Fort-de-France, avantagée par une situation plus centrale et de meilleurs équipements portuaires. C’est donc dans un décor post-apocalyptique que s’est déroulée la vie des habitants les années qui suivirent. Ici, ce n’est pas comme au pied du Vésuve, à Herculanum ou Pompéi, où les corps figés dans l’instant de leur antique destruction sont exposés tels des œuvres d’art . Si la mémoire des 30 000 habitants, disparus en 1902, n’a pas été perdue, le visiteur se doit de la reconstituer à partir d’indices disséminés dans la ville. L’éruption a eu pour conséquence de déséquilibrer durablement l’économie martiniquaise, au profit du sud de l’île. 

 

Les morts étaient-ils évitables ?

 

La multiplication des signes avant-coureurs de la catastrophe a provoqué une interrogation vis-à-vis de l’attitude des pouvoirs publics. Aurait-on dû évacuer Saint-Pierre lorsque les signaux sont passés au rouge ? Le 11 mai doit se dérouler le deuxième tour des élections législatives. La décision de ne pas faire évacuer Saint-Pierre pourrait être liée à cet événement. En effet, évacuer Saint-Pierre aurait pour conséquence de reporter les élections et aurait provoqué de-facto un surcout budgétaire. Ceux, qui ont pris ou plutôt pas pris de décision ne sont plus là pour s’expliquer ! Si beaucoup de gens ont vu dans ce cataclysme une punition divine conséquente à la vie dissolue des mœurs de l’époque et à un carnaval particulièrement libertin, côté scientifique, elle fut le début de la volcanologie contemporaine. Un observatoire fut installé par le volcanologue Alfred Lacroix, chargé d’enquêter sur l’éruption. Il analysa le phénomène des nuées ardentes, dont le processus prit le nom d’explosion volcanique de type péléen. Cette éruption reste en volcanologie une référence d’éruption explosive, accompagnée de coulées visqueuses. Depuis la dernière éruption du volcan en 1929, l’activité souterraine est surveillée en permanence par l’Observatoire du Morne des Cadets, qui abrite l’un des plus gros sismographes au monde. Il reste néanmoins que la catastrophe de  Saint-Pierre reste la plus meurtrière des catastrophes naturelles françaises du XXèmesiècle. 

 

Pour en savoir plus :

 

Alfred Lacroix, La montagne Pelée et ses éruptions, Masson et Cie, Paris, 1904

 

Cliquez ici pour télécharger l'article.

 

 

L---explosion-de-la-montagne-pele--e.pdf

 

 

 

 

Le récit d’un survivant : Léon Compère-Léandre

 

« J'ai senti souffler un vent terrible, la terre commençait à trembler et le ciel devint soudainement noir. Je retournai dans ma maison, montai avec de grandes difficultés les trois ou quatre marches qui me séparaient de celle-ci, et sentis mes bras et mes jambes me bruler, et tout mon corps. Je me suis laissé tomber sur une table. À ce moment, quatre autres personnes sont venues se réfugier chez moi, criant et hurlant de douleur, leurs habits ne paraissaient pas avoir été touchés par des flammes. Au bout de 10 minutes, la petite Delavaud, âgée de environ 10 ans, semblait morte ; les autres vivants. Je me suis levé et je suis allé dans une autre pièce, où j'ai trouvé le père Delavaud, toujours habillé et allongé sur le lit, mort. Il était violet et gonflé mais ses vêtements étaient toujours intacts. Fou et presque évanoui, je me suis jeté sur un lit, inerte et attendant la mort. Mes sens me sont revenus peut-être 1 h après, quand j'ai vu le toit bruler. Avec la force de vie suffisante, mes jambes saignantes et couvertes de brulures, j'ai couru à Fonds-Saint-Denis, à six kilomètres de Saint-Pierre. »

 



17/09/2018
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